La
fonction de diplomate appartient à ces métiers suscitant généralement bien des
fantasmes au sein de l’imaginaire collectif d’une population dont une infime
partie seulement aura l’occasion d’approcher, voir de côtoyer – de près ou de
loin – ces femmes et ces hommes qui occupent pourtant la première ligne du jeu
diplomatique, lequel constitue le pilier central sur lequel repose l’expression
de la politique étrangère des Etats. Ces fantasmes s’expliquent d’une part par
la méconnaissance du métier de diplomate, lequel a été appelé à évoluer au
cours de l’histoire, et d’autre part par le prestige dont est encore et
toujours auréolé le tenant d’une telle fonction. Ne dit-on pas « Son
Excellence », pour évoquer un ambassadeur ?
Son
Excellence Mr. Raoul Delcorde, auteur du présent ouvrage que je vous présente
brièvement au travers de ces quelques lignes, appartient à ces diplomates qui,
non seulement fiers de leur fonction, se passionnent également pour l’histoire
de celle-ci ainsi que pour son analyse contemporaine et prospective. Ancien
ambassadeur du Royaume de Belgique en Pologne et au Canada, Mr. Delcorde est
actuellement à la tête du pôle Moyen-Orient au sein du Ministère belge des
Affaires étrangères mais il est également l’auteur de plusieurs ouvrages
traitant de la diplomatie. Au regard de son expertise en la matière, tant
théorique que pratique, il intervient régulièrement dans les enceintes
universitaires afin d’y exposer ses lumières sur le rôle des agents
diplomatiques dans les relations internationales. Son dernier ouvrage en
date : « Le métier de diplomate », publié par l’Académie Royale
de Belgique, est un ouvrage qui devrait ravir non seulement les étudiants et
les professionnels des relations internationales, mais également un public plus
large avide de connaissances dans le domaine de l’histoire des relations
internationales et, plus globalement, de culture générale.
Sur
la forme, l’ouvrage est assez court en termes de volume : 132 pages, le
tout dans un format de type livre de poche. Ne vous y trompez pas : c’est
un des points forts de cette publication dans la mesure où son auteur expose
toute sa maitrise du sujet en parvenant à se montrer extrêmement pertinent au
fil des pages et en allant directement à l’essentiel. Le tout, il faut bien l’admettre,
est qui plus est rédigé par une plume particulièrement fine et habile, ce qui en
rend la lecture d’autant plus facile et agréable. Les parties historiques,
descriptives, et analytiques sont par ailleurs agrémentées d’anecdotes et
d’exemples qui rendent le contenu plus intelligible tout en contribuant à
maintenir l’attention du lecteur. Autrement dit, la recette est efficace et
l’ensemble, agréable et intéressant, parvient à capter le lecteur qui ne se
retrouve pas ici noyé dans un imposant volume
réservé au seul public averti. Cette accessibilité est sans contexte
l’un des principaux avantages de cet écrit. L’art de rédiger une synthèse
pertinente est une compétence en soi. Force est de constater que dans ce cas
précis, en dépit de l’étendue du sujet, Mr. Delcorde y parvient avec une aisance
qui semble toute naturelle.
Pour
ce qui est du fond, l’ouvrage se divise en douze chapitres. Après une première
partie relative à l’évolution historique du métier de diplomate – au sen large
– sont abordés les différentes composantes et acteurs de la diplomatie, depuis
le ministère des affaires étrangères jusqu’au consulat en passant, bien
évidemment, par l’ambassade. L’aspect historique n’est alors jamais bien loin.
Ainsi par exemple, la présentation moderne de la fonction d’ambassadeur est
exposée au regard de l’évolution historique de la dite fonction. Comment naquit
la fonction diplomatique ? Comment s’est-elle professionnalisée ?
Comment s’est-elle modernisée en marge des évolutions de l’histoire moderne ?
Quelles sont les différences entre un consul et un ambassadeur ? Autant de
questions qui – parmi bien d’autres – trouvent dans ces pages une réponse. Viennent
ensuite plusieurs chapitres évoquant les principales composantes de ce que l’on
pourrait présenter comme une typologie de l’action diplomatique. Sont ainsi
abordées la diplomatie économique, la diplomatie publique, la diplomatie
multilatérale, la diplomatie des sommets, et enfin, la médiation. Encore une
fois, l’auteur souligne l’aspect évolutif de ces différentes composantes de la
diplomatie, leurs rôles dans les relations internationales contemporaines, et
les défis qu’elles engendrent pour les acteurs en charge de la conduite de ces
diplomaties.
Le
dixième chapitre se penche sur l’épineuse question de la capacité d’enseigner la
diplomatie. Ou, autrement dit, peut-on théoriser et transmettre un savoir et un
savoir-faire qui à bien des égards se rapporte à un art et se pratique – ou se
pratiquerait – dès lors comme tel ? Encore une fois, ne dit-on pas l’art de la
négociation ou encore, plus globalement, l’art de la diplomatie ?
Le
onzième chapitre apparaît comme le plus personnel – du moins me semble-t-il –
du point de vue de l’auteur. Mr. Delcorde se penche ici sur le devenir de
l’action diplomatique au sein de l’ensemble, plus large, des relations
internationales. L’analyse prospective à l’aune de l’histoire caractérise ainsi
cette partie de l’ouvrage qui à mon sens sonne quelque peu comme une conclusion
qui ne dit pas son nom. Or, quiconque s’est un jour essayé à l’exercice de la
projection future dans le domaine des sciences politiques sait à quel point
l’exercice peut s’avérer périlleux. Cela dit, il n’en demeure pas moins
nécessaire, les experts se devant de formuler des hypothèses dans leur(s)
domaine(s) d’expertise, sans quoi ils ne se cantonneraient qu'à expliquer à
postériori "pourquoi" les choses ont évolué comme elles l’ont faite. Fort de
son expérience pratique et de ses larges connaissances théoriques, l’auteur
nous expose ici le cheminement intellectuel ayant conduit à l’élaboration de
son point de vue sur le demain du métier de diplomate. L’accent qui y est mis
sur l’importance de l’empathie – non pas dans le sens de sa définition
communément répandue en tant que synonyme d’une quelconque compassion mais bien
comme étant la capacité à voir et à comprendre le monde et/ou une situation
particulière au travers des yeux d’autrui, de « l’autre » - s’avère, me semble-t-il, particulièrement
pertinent. L’importance de cette leçon devrait d’ailleurs s’étendre bien
au-delà du cercle des diplomates car elle concerne au final l’ensemble d’une
humanité bien trop naturellement encline aux préjugés et autres catégorisations
réductrices.
Le
douzième et dernier chapitre nous présente le portrait de trois diplomates, et
non des moindres : Richard Holbrook (diplomate américain connu notamment
pour son rôle dans la conclusion des accords de Dayton), Alva Myrdal (diplomate
suédoise récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1982 pour ses actions en
faveur du désarmement), et Robert Silvercruys (l’une des plus grandes figures
de la diplomatie belge).
Au
final, pour peu que l’histoire et la pratique de la diplomatie (et des relations
internationale) vous intéressent, je ne peux que vous conseiller cet ouvrage particulièrement
pertinent, structuré, et accessible qui m’a – et c’est de loin le plus
important – appris pas mal de choses sur un sujet que j’avais pourtant déjà effleuré
au travers de diverses autres lectures, pourtant plus volumineuses mais moins à
même de faire ressortir clairement l’essentiel.
Pour
les références complètes de l’ouvrage en question : DELCORDE R., Le métier
de diplomate, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 132 p. ISBN :
978-2-8031-0634-9
PS : L'ouvrage est également disponible au format Kindle via le lien suivant.
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