Alors que ce 4 novembre marque le 37ème
anniversaire de la prise d’otage de 1979 à l’ambassade américaine de Téhéran,
le Guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei, a évoqué
l’élection présidentielle à venir dans un discours tenu devant un parterre
d’étudiants.
Sans surprise, le Guide s’est montré très vindicatif dans ses
propos tenus à l’encontre des Etats-Unis et n’a épargné aucun des deux
prétendants à la Maison Blanche, illustrant ainsi qu’en dépit de l’accord sur
le nucléaire du 14 juillet 2015 et des déclarations du présidents Hassan Rohani,
la réthorique officielle n’avait pas évolué d’un iota au plus haut sommet de
l’Etat iranien.
Pour le chef de l’Etat iranien, le déroulement de la campagne
présidentielle américaine, avec ses scandales et son faible niveau quant au
débat de fond démontre que la réalité américaine est encore pire que celle
décrite par les organes officiels en Iran.
Le Guide a également déclaré avoir regardé les débats
présidentiels et en avoir conclu que les deux candidats avaient d’ores et déjà
tenus des propos suffisant que pour « détruire la réputation des
Etats-Unis ». « Leurs déclarations sont la preuve de la destruction
des valeurs humaines aux Etats-Unis » selon lui. Le niveau des candidats
est, selon le chef de l’Etat iranien, la preuve que les Etats-Unis traversent
une « crise morale ».
Concernant l’accord sur le nucléaire iranien, le Guide a
dénoncé l’attitude des Etats-Unis, les accusant d’arrogance, de mensonge et de
doubles standards dans la conduite de leur politique étrangère. Il a ainsi déclaré qu’un
diplomate américain avait récemment admis que Washington avait continué à
sanctionner l’Iran après la conclusion de l’accord du 14 juillet 2015. Il évoquait sans doute ici les sanctions visant les Gardiens de la révolution pour leurs activités terroristes ou encore les sanctions liées au programme balistique de Téhéran. Si cela est bien le cas, il omet de préciser que ces sanctions n'ont jamais été concernées par l'accord du 14 juillet 2015 (l'accord prévoit cependant le maintien de l'embargo sur le programme balistique iranien pour une durée de huit ans) mais en oubliant volontairement ce détail, il encourage la population iranienne à penser que les Etats-Unis ne tiennent pas leurs engagements dans le cadre de l'accord.
Il a en
coutre souligné le fait qu’un compromis avec les Etats-Unis ne constituait en
rien une garantie – contrairement aux promesses de Washington, du point de vue
d’A. Khamenei – quant à la résolution des problèmes auxquels l’Iran est
confronté. Il en veut pour preuve les faibles progrès économiques dans le pays
depuis la signature de l’accord. Selon le Guide, Washington n’est pas digne de
confiance et il n’y a dès lors rien à en attendre. Dénonçant la crise que les
Etats-Unis traversent selon lui suite à leurs problèmes économiques, le Guide
en a profité pour dénoncer l’interventionnisme américain : « comment
un pays en crise peut-il espérer résoudre les crises d’autres
pays ? ».
Il a par ailleurs laissé sous-entendre que le rapprochement
économique prôné par l’Occident suite à l’accord du 14 juillet 2015 pouvait
très bien constituer un cheval de Troie pour permettre aux « puissances de
l’arrogance » - comme les désigne le régime iranien – d’exploiter et de
spoiler les richesses de l’Iran.
Pour A. Khamenei, négocier, dialoguer et améliorer les
relations avec les Etats-Unis (et par
extension avec l’Occident), n’améliorera en rien la situation en Iran, au
contraire, cela ne pourrait qu’aggraver les problèmes que rencontre déjà le
pays.
Toute cette réthorique illustre parfaitement l’inertie au
plus haut sommet de l’Etat en ce qui concerne la nature de la relation à
entretenir entre l’Iran et les Etats-Unis. Pour les durs du régime et les
ultraconservateurs, la levée des sanctions se suffit à elle-même et devrait
permettre de renforcer l’appareil productif de l’Iran sans avoir recours à une
véritable ouverture du marché iranien où entre 80 et 85% de l’appareil
productif est aux mains d’organisations publiques ou parapubliques (comme les
grandes fondations religieuses ou les conglomérats aux mains des Gardiens de la
révolution). Pour les modérés et les pragmatiques en revanche, l’ouverture du
marché iranien à l’économie mondiale est une condition nécessaire à
l’amélioration des indices économiques du pays. Sur ce point, le Guide est donc
en opposition avec le président Rouhani mais force est de constater que jusqu’à
présent, l’avis du premier l’emporte (et rien ne permet de penser que les
choses vont évoluer dans un avenir proche).
Mais quoi qu’il en soit, de son point de vue, le régime peut
d’ores et déjà dire merci aux américains – et plus particulièrement aux deux
principaux candidats – pour le déroulement de cette campagne présidentielle.
Pour quiconque écoute régulièrement la propagande du régime iranien, force est
de constater que celui-ci a trouvé du grain à moudre pour son moulin. Il est
au final désolant de constater que cette campagne, de par son niveau, ses
insultes et ses scandales, va renforcer les arguments anti-occidentaux des
partisans de la République islamique. Sur ce point, Mr. Trump, Mme Clinton, les
Mollahs vous remercient. D’autant plus qu’en cas de ligne dure conduite par le
nouveau président américain contre l’Iran, les conservateurs hostiles à la
normalisation des relations avec l’Occident boiront du petit lait, pouvant
ainsi affirmer encore plus haut et fort que d’habitude que négocier et faire
confiance à Washington est contre productif en plus de constituer une perte de
temps.
Au final, et cela est pour le moins malheureux à dire, il faut bien
admettre que A. Khamenei a raison sur un point : cette campagne a nui à l’image
des Etats-Unis de par le monde et sans minimiser les affaires gravitant autour
de Mme Clinton, force est de constater que les déclarations de Mr. Trump ont eu
un effet particulièrement dévastateur.
Aussi, pour un candidat dont le slogan n’est autre que « Make America
Great Again », avoir à ce point endommagé le soft power américain de par
le monde ne constitue pas véritablement une performance pleine de promesses
pour l’avenir de la politique étrangère américaine.
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